C’est une victoire importante pour les associations qui avaient déposé un recours contre la réforme du droit à l’intégration sociale en février 2017 : le service communautaire est jugé anti-constitutionnel. La Cour constitutionnelle établit une violation de la répartition des compétences entre les différents niveaux de pouvoir. La plateforme Boycott service communautaire reste attentive à la protection des droits fondamentaux des allocataires sociaux, dans un contexte d’appauvrissement croissant de la population.
La loi anti-constitutionnelle : le gouvernement fédéral a outrepassé ses compétences
La réforme de 2016 du droit à l’intégration sociale de Willy Borsus, à l’époque ministre de l’Intégration sociale, avait soulevé une large opposition. Syndicats, allocataires, services sociaux, étudiant·e·s, volontaires, s’étaient coalisés pour s’opposer à la généralisation des PIIS, qui conditionnaient l’accès au dernier filet de la protection sociale, et à l’instauration d’un service communautaire, un engagement pris par l’allocataire social à rendre des services gratuitement, et qui une fois inscrit dans leur contrat avec le CPAS, devenait obligatoire.
Willy Borsus affirmait que son système avait pour objectif la remise au travail des bénéficiaires du droit à l’intégration sociale. Un objectif contesté par la plateforme Boycott Service Communautaire qui a fait état de témoignages du remplacement progressif de plusieurs contrats de travail réguliers par des
« bénévolats forcés » travaillant gratuitement sous service communautaire.
La Cour constitutionnelle a recalé le service communautaire pour cette raison : depuis 2016, les seules Régions sont compétentes pour la mise au travail des bénéficiaires du droit à l’intégration sociale, et le gouvernement fédéral ne peut donc imposer de politiques en cette matière aux régions. Or, la Cour assimile très clairement le service communautaire à un travail en établissant que « les activités pouvant faire l’objet d’un service communautaire, qui doivent constituer une contribution positive pour la société, ne peuvent être distinguées, en toutes circonstances et par nature, des activités pouvant faire l’objet d’un travail rémunéré. Rien n’interdit en effet que les activités pouvant être accomplies au titre de service communautaire ne puissent également, si les moyens financiers sont disponibles, faire l’objet d’une rémunération ».
La décision est un indicateur important concernant la constitutionnalité de la proposition de loi Open- VLD du 2 mai dernier, qui visait à étendre le service communautaire aux chômeurs de longue durée.
Il est par ailleurs ironique de voir le gouvernement fédéral outrepasser ses compétences, quand on sait que le principal parti de la coalition prône le rétrécissement des compétences fédérales.
Derrière la victoire, la réalité d’un travail gratuit forcé, discriminatoire, attentatoire à la vie privée
Le gouvernement fédéral ne pouvait pas légiférer dans le domaine de la mise au travail des allocataires sociaux, et la Cour l’a établi. Il ne lui a donc pas été nécessaire de vérifier si les droits fondamentaux des allocataires sociaux étaient attaqués par un dispositif qu’elle avait déjà annulé. La Constitution et les traités internationaux interdisent toujours autant le travail forcé, les atteintes à la vie privée, les discriminations entre différentes catégories de la population, or le service communautaire était une attaque envers tous ces droits fondamentaux.
Les conditions de vie des allocataires sociaux restent déplorables. Alors que la pauvreté est en pleine explosion en Belgique, leurs droits sociaux sont désormais systématiquement conditionnalisés à travers le recours désormais obligatoire aux PIIS. La plateforme appelle à un renforcement du droit à l’aide sociale, dans ses montants et sa couverture, pour garantir que le dernier filet de la protection sociale soit autre chose qu’une maille de plus en plus lâche et trouée, et ne laisse plus tomber personne dans l’exclusion et l’indigence.
5 juillet 2018